Biographie Benjamin Zollinger
Benjamin Zollinger est un artiste suisse qui... Attendez ! Est-on réellement sûr de ça ? Benjamin Zollinger est un graphiste qui... Vraiment ? Certains diront le contraire. Benjamin Zollinger est... Et c'est peut-être suffisant pour une entame, car la personnalité qui va hanter ces lignes est du genre inqualifiable. Hyperactive machine à compiler des images et à les régurgiter après un rapide passage par trois estomacs emplis d'un acide créatif, Benjamin Zollinger est loin du paisible ruminant dans le vaste champ de l'art contemporain. [Et là oui, nous serons quand même obligés de convenir que Benjamin Zollinger est un artiste, ne serait-ce que pour nous faciliter la tâche dans cette hagiographie dûment rémunérée].
Du sarcasme venimeux à l'ironie plaisante, entre la moquerie frontale et la mise en abîme d'une collection d'images confinant à l'absurde, Benjamin Zollinger développe en effet un corpus unique. Revendiquant un travail quasiment instinctif au tréfonds des méandres de Google, il arrive, dans la malice d'un instant de grâce à expurger des images qu'il agglutine, déforme et manipule pour donner un sens nouveau à l'iconographie du présent. Et ce qui fascine le plus dans ce travail compulsif, c’est la faculté quasiment inégalée de l’artiste à tisser des liens entre éléments graphiques, textes et contextes sociétaux, au sens large, voire très large. Avec une prépondérance dans le détournement des vecteurs de communication commerciale ou institutionnelle dont on ne s’imagine pas à quel point il semble facile de les dévoyer. Du moins en analysant ses créations. Maniant la métonymie et la synecdoque comme le graphiste maniait autrefois la règle et le cutter sur une table lumineuse, Benjamin Zollinger décrit un monde tel un stand-upper explosant d’une verve caustique l’ensemble de ses congénères et tout ce que le monde peut compter de réalisations, de faits, de choses et d’autres, aussi insignifiantes soient-elles.
Revendiquant une logique profane en matière politique et sociale, il n’en demeure pas moins l’un des plus féroces contempteurs de l’ordre social, l’humour en plus. Ainsi, les thématiques de l’inflation (Marat qui meurt dans son bain face à sa facture d’électricité), des violences policières, du droit d’asile (“Ukrainian Passports Only”), de la consommation de drogues et d’alcool, de l’écologie, du technologisme, de l'autoritarisme et grosso modo tout ce qui traite de près ou de loin à l’entertainment trouvent un écho dans son travail et souvent dans une confusion savamment entretenue. Ce qui ne l’empêche pas de distiller quelques valeurs profondes liées aux causes pour lesquelles il se bat: la pauvreté et l’exclusion sociale.
Flirtant avec l'art en ce qu'il porte de concepts, avec le monde des graphistes pour l'esthétique et les médiums utilisés, Benjamin Zollinger peut alors se targuer des bénéfices de la transversalité, multipliant les tirages et déclinant les supports, y compris virtuellement si on compte son rôle prépondérant dans l'aventure du @kunsthausneverland.
Incisif, déconcertant et hilarant, voilà des mots-clés qui nous amènent directement du réel à la réalité renversée que l'artiste déploie entre esprit et insouciance.